vendredi 25 septembre 2009

La voiture électrique, est-ce vraiment sérieux (partie 2)

Du greenwashing aux modèles radicalement nouveaux.

Préparation de l’après pétrole, réponse au défi écologique, quelques réflexions stratégiques sur les réactions des constructeurs.

Le greenwashing

Comment faire croire que l’on est vert en gagnant du temps ? Pour plusieurs analystes du secteur, telle est la stratégie de plusieurs fabricants (comme VW ou Mercedes). Ces derniers proposent quelques petits modèles de voitures électriques. Ce sont des modèles existants qui sont adaptés. Coût de développement réduit, cycle de mise en marché rapide. Espoir de vente réduit. Mais l’important n’est pas là.
L’enjeu est de se conformer aux normes de la commission européenne, lesquelles sont basées sur la moyenne des émissions de la gamme. Deux voitures à zéro émission font chuter la moyenne et libère de la place pour des voitures à grosses cylindrées qui sont au cœur de la rentabilité de ces marques. On comprend donc l’intérêt stratégique de ce greenwashing supposé.

L’existence d’une frontière technologique

Face au défi de réduction des émissions de carbone, la voiture électrique apparaît comme une solution évidente. Mais voilà, il existe une limite, une frontière technologique : les batteries. Coût élevé, autonomie limitée, temps de recharge long, leurs défauts sont majeurs. Tant que de nouvelles batteries ne seront pas développées, le spectre d’usage de ces voitures sera réduit : essentiellement urbain pour de petites distances. Remarquons que sur ce segment les marques françaises qui investissent dans l’électrique sont très fortes, même si ce n’est pas le plus rentable.
Une question pourrait se poser : est-ce le bon moment pour investir, tant que la frontière n’est pas brisée ? Cela permet d’apprendre, de se bâtir une image. Mais cela consomme des ressources. Serait-il plus pertinent d’attendre et profiter du travail des autres ?
De ce point de vue Renault a un avantage concurrentiel. Son partenaire stratégique, Nissan, est un spécialiste des batteries.
On peut aussi avoir une vision en rupture sur ce problème de batteries. Par exemple le Japon travaille sur des autoroutes à induction sur lesquelles les voitures se rechargeraient tout en roulant (en « aspirant » l’électricité circulant dans la route).

De l’influence de la path dependency

Connaissez-vous la Tesla ? Cette voiture de sport 100% électrique, a une autonomie deux fois supérieures à la moyenne de l’industrie (il faut dire que la voiture coûte une fortune). Elle rencontre depuis son lancement, il y a quelques mois, un succès important. Et pourtant les personnes à l’origine du projet sont des informaticiens de la Silicon Valley. Ils travaillaient sur des batteries et se sont dit qu’il y avait quelques opportunités à saisir avec cette compétence dans le contexte actuel.
Comment se fait-il que la Tesla n’a pas été créée par Porsche ou Ferrari ? Toujours cette maudite dépendance à la trajectoire. Essayez de lancer un programme de voiture silencieuse chez l’un de ces deux fabricants où l’on se pâme devant la beauté d’un bruit de moteur. Essayez de motiver des ingénieurs passionnés par les moteurs à explosion. Essayez d’obtenir des arbitrages qui vont détourner de budgets considérables (qui seraient exploités avec un niveau de risque moins élevé dans le cœur de métier de l’entreprise).

Pour découvrir la Tesla :


D’autres acteurs vont-ils prendre de la place sur les petites voitures : Bolloré ? Heulliez, Michelin et Orange (étrange attelage qui explique une solution technologique révolutionnaire : des moteurs électriques dans les roues. Ces trois là ne pouvaient pas faire une voiture classique) ?

Le problème pour les fabricants traditionnels n’est pas tant de créer des voitures électriques, que de faire évoluer leur modèle d’affaires ? Il est parfois plus facile de créer à partir de rien.

Le choix de l’innovation radicale ou de la prudence

Du fait de l’existence d’une barrière technologique, trois attitudes sont possibles : attendre le dépassement de la frontière, investir dans l’électrique malgré tout ou choisir une solution intermédiaire, en l’occurrence : l’hybride.
Ce fut le choix il y a quelques années de Honda et Toyota. Choix très payant et qui le restera tant que la frontière technologique n’aura pas été franchie.

Des évolutions de modèle d’affaires


La mise en marché d’une innovation radicale s’accompagne souvent d’une transformation du modèle d’affaires (distribution, mode de facturation, etc.).
Ainsi pour faire face au coût de la batterie (j’ai relevé le prix de 15 000 euros pour un ensemble), Renault propose la vente de la voiture et la location de la batterie (à un tarif mensuel moindre comparé au coût équivalent de carburant).
Autre exemple. Une famille urbaine ne prendra pas le risque de partir en vacances avec sa voiture électrique. On sent que dans ces conditions le vendeur de voiture électrique devra intégrer un service de location de véhicules pour des usages particuliers.

L’apparition de nouveaux services


Autour d’une innovation radicale se développent aussi de nouveaux services. Par exemple, toujours sur le problème des batteries, better place propose de créer des distributeurs de batteries, comme il existe des stations services. Un robot se charge de changer la batterie en moins d’une minute (voir la vidéo ci-dessous à partir de la 3ème minute).



La lutte autour de la voiture électrique est fascinante. Tout n’est pas qu’une question de technologie. Les questions d'évolution des paradigmes et des modèles d'affaires sont majeures. On croise ainsi quelques uns des sujets majeurs en stratégie : impact des frontières technologiques, dépendance à la trajectoire, hésitations face à l’innovation radicale, évolutions sociologiques, nécessité d’une innovation systémique (dans les modèles d’affaires et dans les services connexes).

jeudi 24 septembre 2009

La voiture électrique, est-ce vraiment sérieux (partie 1)

Suite au salon automobile de Francfort, événement majeur du secteur en Europe, lu, vu beaucoup de choses sur la réponse de l’industrie automobile face au défi de la réduction du changement climatique.

Cela a titillé mon regard stratégique. Je partage.

Tempête parfaite à l’horizon !

L’industrie automobile est déjà au cœur de la tourmente. Et ce n’est pas fini. Des signaux multiples sont allumés, une tempête parfaite se dessine à l’horizon. Quelques menaces clés, dans les règles de l’art : PESTEL.

Politique :
- En Europe, l’intervention des Etats a soutenu artificiellement le marché par des aides. Lorsque l’effet du dopant va s’atténuer, l’impact peut être majeur si les entreprises n’ont pas réussi à s’adapter entre temps. Vous prenez les paris ?
- Les gouvernements encouragent des solutions alternatives: transports en communs, covoiturage, etc. On voit par exemple apparaître des voies réservées au covoiturage sur les autoroutes de la belle ville de Québec.
- En matière de politique industrielle, l’enjeu est majeur. Il faut bâtir aujourd’hui l’avantage concurrentiel de demain dans un secteur clé pour beaucoup d’économies. Les états s’emploient exemple : l’état français a annoncé l’achat de 40000 véhicules électriques.

Economique :
- A court terme la crise économique a évidemment un impact, mais des compensations existent. Cependant cette crise a un impact majeur sur les nouveaux marchés (ainsi sur les 5 premiers mois de 2009, les importations de véhicules en Chine ont baissé de 30,8%).
- Plus préoccupant à long terme : la dégradation de la situation des classes moyennes dans les pays occidentaux. Elles constituent pourtant la masse des clients des constructeurs généralistes. Ils sont de plus en plus sensibles à l’argument du prix : des voitures plus petites, fonctionnelles, avec moins d’options. Le succès de la Logan est un parfait exemple.
- Evidemment une classe moyenne se développe ailleurs sur la planète. Ce qui ouvre de nouveaux marchés. Mais, à long terme, cela risque de profiter en grande partie à des fabricants locaux qui ont une offre et un marketing adapté à ces marchés particuliers (voir Tata en Inde par exemple).

Sociologique :
- Le rapport à l’automobile évolue. Un rapport fonctionnel se développe. Moins de frime : des modèles plus pratiques, moins équipés, moins coûteux à l’usage.
- Ce rapport fonctionnel se traduit dans le frémissement de modes alternatifs : covoiturage (signal faible : la GMF propose une réduction de 10% sur les contrats d’assurance auto à ceux qui achètent un abonnement de transport en commun), auto-partage, etc.
- La sensibilité aux enjeux écologiques augmente. La chute du marché des SUV en témoigne.

Technologique :
- En matière de technologies, le secteur entre dans un tournant : quoi pour succéder au moteur à explosion ? L’hybride ? l’électrique ? à long terme la pile à hydrogène ? Les coûts de développement des programmes sont très élevés et l’on voit bien que les constructeurs font des choix : l’hybride (Toyota, Honda, Ford, etc.), ou l’électrique (Renault, Peugeot-Citroën, etc.).
Ecologique :
- La pression écologique est majeure. Je ne reviens pas dessus (ex. sur ce site de la très sérieuse Ademe, vous pouvez tout savoir sur le niveau d’émission de votre véhicule).
- Les biocarburants sont morts avant de se développer. Mais il n’est pas certain qu’ils ont dit leur dernier mot. Des modèles existent qui ne phagocytent pas les cultures destinées à la consommation humaine. Se développeront-ils ? Cependant il est certain que cette solution n’est pas pertinente à gros volume.

Légal :
- Face au défi écologique, la pression s’accroît : normes de pollution et autres se renforcent. Par exemple les constructeurs européens ont pris l’accord avec la commission européenne de proposer une flotte de véhicules rejetant en moyenne (le mot est important) moins de 130 g de carbone par km d’ici 2015

Au cœur de cette tempête parfaite, il y a je pense un double défi : préparer l’après pétrole et faire face au défi écologique. Cela donne lieu à quelques jolis entrechats stratégiques : du greenwashing aux modèles d’affaires innovants.

mardi 1 septembre 2009

La femme est l'avenir du marketing

Voyage de fin de semaine dans Charlevoix, nous entrons dans une chocolaterie aux Eboulements (qui a un magasin à Baie Saint Paul). Les chocolats sont délicieux. Mais là n’est pas le point. Des chocolats moirés, aux reflets d’or, d’argent ou de bronze, une parure délicate, fruit d’un procédé de fabrication secret. Sur les tablettes des pièces en chocolat : carrosses, chevaux, escarpins, qui semblent des jouets de petite fille. Et la fille qui m’accompagne de me faire remarquer que c’est un univers très féminin. Et de fait, des couples qui se succèdent au comptoir, c’est la fille qui prend les choses en main. Réflexion : pensez-y une minute, qui est-ce qui achète du chocolat chez un chocolatier ? Essentiellement des femmes.

Aéroport de Québec, discussion avec une connaissance. Il me dit qu’un de ses amis a ouvert un steakhouse à Québec, La Bête, qui vise un public féminin. Concrètement, un « décor chic et coquin inspiré des salons libertins aux banquettes capitonnées » (Le Soleil du 28 août) et des détails destinés à faire vivre une expérience plaisante aux femmes. Exemple : un crochet aux tables pour suspendre les sacs.

Paris, restaurant dans le XVIIème arrondissement, repas d’affaires et de plaisir avec des partenaires. Décision à prendre sur le dessert. Les trois gars se précipitent sur la tarte tatin, le fondant au chocolat. La consultante de dire au propriétaire-serveur : « vous devriez faire des cafés desserts. Quelque chose de léger, mais qui finit bien le repas. »

Trois anecdotes. Trois signaux faibles ? Cela fait-il une tendance ? Les femmes constituent-elles un marché spécifique, un marché d’avenir.

The female economy

Et là, synchronicité, un article de la Harvard Business Review de septembre intitué « The female economy » donne la tendance : « Women now drive the world economy ».
Le revenu global des femmes va passer de 13 trillions de dollars en 2009 à 18 trillions en 2014. Par comparaison le PNB de la Chine va passer de 4,4 trillions à 6,6 trillions.
Les femmes contrôlent les dépenses. Ce sont les principaux décideurs, les premiers prescripteurs comme le montre le tableau ci-dessous (lequel semble confirmer des stéréotypes que l'on peut avoir sur la place des femmes dans les différentes cultures).

Trois anecdotes ne font pas une tendance, mais attirent l’attention sur un sujet

Pourtant, l’étude menée par les auteurs, conclut que peu d’entreprises font encore des efforts spécifiques pour ce marché en particulier sur deux critères :
- Des produits spécifiquement dessinés pour elles
- Des solutions qui font gagner du temps (précieux dans la gestion de leur emploi du temps complexe combinant vie privée et professionnelle)

La tendance est pourtant au développement d’offres spécifiquement adaptées aux femmes. Deux exemples :
- Curves est un club réservé aux femmes, qui propose une séance d’entraînement musculaire et cardiovasculaire en un circuit de seulement 30 min.
- Diamond est une compagnie d’assurance anglaise dédiée aux femmes. Avec l’assurance auto vient une assurance sac à main et la marque entretient sa communauté de clientes dans un style très revue féminine.

Il semble bien que les aînés et les femmes sont les cibles qui montent.

Connaissez-vous l’influence des femmes dans le processus d’achat de vos produits ?
Comment adaptez-vous votre offre, votre marketing et votre service à cette clientèle spécifique ?
Avez-vous posé ces questions aux femmes dans votre équipe ?