Du greenwashing aux modèles radicalement nouveaux.
Préparation de l’après pétrole, réponse au défi écologique, quelques réflexions stratégiques sur les réactions des constructeurs.
Le greenwashing
Comment faire croire que l’on est vert en gagnant du temps ? Pour plusieurs analystes du secteur, telle est la stratégie de plusieurs fabricants (comme VW ou Mercedes). Ces derniers proposent quelques petits modèles de voitures électriques. Ce sont des modèles existants qui sont adaptés. Coût de développement réduit, cycle de mise en marché rapide. Espoir de vente réduit. Mais l’important n’est pas là.
L’enjeu est de se conformer aux normes de la commission européenne, lesquelles sont basées sur la moyenne des émissions de la gamme. Deux voitures à zéro émission font chuter la moyenne et libère de la place pour des voitures à grosses cylindrées qui sont au cœur de la rentabilité de ces marques. On comprend donc l’intérêt stratégique de ce greenwashing supposé.
L’existence d’une frontière technologique
Face au défi de réduction des émissions de carbone, la voiture électrique apparaît comme une solution évidente. Mais voilà, il existe une limite, une frontière technologique : les batteries. Coût élevé, autonomie limitée, temps de recharge long, leurs défauts sont majeurs. Tant que de nouvelles batteries ne seront pas développées, le spectre d’usage de ces voitures sera réduit : essentiellement urbain pour de petites distances. Remarquons que sur ce segment les marques françaises qui investissent dans l’électrique sont très fortes, même si ce n’est pas le plus rentable.
Une question pourrait se poser : est-ce le bon moment pour investir, tant que la frontière n’est pas brisée ? Cela permet d’apprendre, de se bâtir une image. Mais cela consomme des ressources. Serait-il plus pertinent d’attendre et profiter du travail des autres ?
De ce point de vue Renault a un avantage concurrentiel. Son partenaire stratégique, Nissan, est un spécialiste des batteries.
On peut aussi avoir une vision en rupture sur ce problème de batteries. Par exemple le Japon travaille sur des autoroutes à induction sur lesquelles les voitures se rechargeraient tout en roulant (en « aspirant » l’électricité circulant dans la route).
De l’influence de la path dependency
Connaissez-vous la Tesla ? Cette voiture de sport 100% électrique, a une autonomie deux fois supérieures à la moyenne de l’industrie (il faut dire que la voiture coûte une fortune). Elle rencontre depuis son lancement, il y a quelques mois, un succès important. Et pourtant les personnes à l’origine du projet sont des informaticiens de la Silicon Valley. Ils travaillaient sur des batteries et se sont dit qu’il y avait quelques opportunités à saisir avec cette compétence dans le contexte actuel.
Comment se fait-il que la Tesla n’a pas été créée par Porsche ou Ferrari ? Toujours cette maudite dépendance à la trajectoire. Essayez de lancer un programme de voiture silencieuse chez l’un de ces deux fabricants où l’on se pâme devant la beauté d’un bruit de moteur. Essayez de motiver des ingénieurs passionnés par les moteurs à explosion. Essayez d’obtenir des arbitrages qui vont détourner de budgets considérables (qui seraient exploités avec un niveau de risque moins élevé dans le cœur de métier de l’entreprise).
Pour découvrir la Tesla :
D’autres acteurs vont-ils prendre de la place sur les petites voitures : Bolloré ? Heulliez, Michelin et Orange (étrange attelage qui explique une solution technologique révolutionnaire : des moteurs électriques dans les roues. Ces trois là ne pouvaient pas faire une voiture classique) ?
Le problème pour les fabricants traditionnels n’est pas tant de créer des voitures électriques, que de faire évoluer leur modèle d’affaires ? Il est parfois plus facile de créer à partir de rien.
Le choix de l’innovation radicale ou de la prudence
Du fait de l’existence d’une barrière technologique, trois attitudes sont possibles : attendre le dépassement de la frontière, investir dans l’électrique malgré tout ou choisir une solution intermédiaire, en l’occurrence : l’hybride.
Ce fut le choix il y a quelques années de Honda et Toyota. Choix très payant et qui le restera tant que la frontière technologique n’aura pas été franchie.
Des évolutions de modèle d’affaires
La mise en marché d’une innovation radicale s’accompagne souvent d’une transformation du modèle d’affaires (distribution, mode de facturation, etc.).
Ainsi pour faire face au coût de la batterie (j’ai relevé le prix de 15 000 euros pour un ensemble), Renault propose la vente de la voiture et la location de la batterie (à un tarif mensuel moindre comparé au coût équivalent de carburant).
Autre exemple. Une famille urbaine ne prendra pas le risque de partir en vacances avec sa voiture électrique. On sent que dans ces conditions le vendeur de voiture électrique devra intégrer un service de location de véhicules pour des usages particuliers.
L’apparition de nouveaux services
Autour d’une innovation radicale se développent aussi de nouveaux services. Par exemple, toujours sur le problème des batteries, better place propose de créer des distributeurs de batteries, comme il existe des stations services. Un robot se charge de changer la batterie en moins d’une minute (voir la vidéo ci-dessous à partir de la 3ème minute).
La lutte autour de la voiture électrique est fascinante. Tout n’est pas qu’une question de technologie. Les questions d'évolution des paradigmes et des modèles d'affaires sont majeures. On croise ainsi quelques uns des sujets majeurs en stratégie : impact des frontières technologiques, dépendance à la trajectoire, hésitations face à l’innovation radicale, évolutions sociologiques, nécessité d’une innovation systémique (dans les modèles d’affaires et dans les services connexes).
vendredi 25 septembre 2009
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1 commentaire:
tion des paradigmes et des modèles d'affaires sont majeures. On croise ainsi quelques uns des sujets majeurs en stratégie : impact des frontières technologiques, dépendance à la trajectoire, hésitations face à l’innovation radicale, évolutions sociologiques, nécessité d’une innovation systémique (dans les modèles d’affaires et dans les services connexes).
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