Suite de l’exploration des stratégies de crise. Comme consultant je suis frappé par les réflexes de nombre de nos clients qui, face à la crise, ont pour réflexe le fameux : recentrage sur les fondamentaux.
Le recentrage sur les fondamentaux
Si je grossis (à peine) le trait, cela signifie :
- Ne rien changer de fondamental. En France, en particulier, les multiples rigidités (dont celles du droit du travail) ne permettent pas des adaptations rapides (par exemple en ce concerne la possibilité de transformer les organisations).
- Rogner l’os pour essayer de gagner quelques % de dépenses. Cela se traduit par un énième programme de réduction des coûts et de réingénierie des processus.
- Geler tout ce qui peut ressembler à du nouveau parce que dans un contexte d’incertitude, le nouveau c’est risqué et que dans le contexte on n’a pas les moyens du risque.
- Abandonner les perspectives long terme, parce que le long terme c’est incertain (copier / coller du point ci-dessus).
Pour beaucoup d’entreprises cette réaction est probablement pertinente (en stratégie il n’y a pas de règle générale). Cependant, certains impacts sont à craindre :
- Dans une entreprise bien gérée, les gains marginaux possibles sont faibles. Beaucoup d’efforts pour peu de résultats. Je suis parfois sceptique sur le fait que c’est là le meilleur retour sur efforts.
- Dans une ambiance de morosité, travailler sur la réduction des coûts et réduire les projets de développement, n’est pas ce qui est le plus mobilisateur, alors que justement c’est dans ces périodes d’incertitude que l’engagement de chacun est requis.
- Finalement, cette frilosité ne permet pas de renforcer l’avantage concurrentiel qui permettra de gagner des parts de marché lorsque viendra la reprise. Les crises bouleversent les conditions concurrentielles. Elles permettent à de nouveaux joueurs d’émerger, par exemple par qu’ils utilisent mieux les nouvelles possibilités offertes par Internet.
La meilleure défense, c’est l’attaque
Dans le numéro de Fortune du 31 août, une phrase de Immelt, le CEO de GE, résume une autre approche face à la crise : " The key is not to be so cowed by the crisis that you neglect to make long-term bets ".
Plusieurs exemples d’entreprises qui ont su faire face à la détérioration de leur situation sont cités dans l’article. Cinq principes peuvent être mis en évidence. Ils dessinent une posture stratégique qui concilie prudence et offensive.
1. Elaguer pour se recentrer sur le core business.
Dans un contexte de crise, il s’agit de concentrer les efforts sur ce que l’on fait de mieux. Ce recentrage passe par un élagage de l’offre. Une analyse SWOT par types de produits doit permettre d’identifier les produits et les services à abandonner.
Par exemple, lors d’une réunion, précisément appelée « big bang meeting », le CEO de Nalco (services dans le traitement de l’eau et l’énergie) a profité d’un de ses voyages en Asie pour réunir ses équipes dans une salle et leur a demandé de ne pas sortir avant d’avoir éliminé 25% de l’offre. Les discussions durèrent trois jours. A la sortie, toute une série de vieux produits s’est trouvée abandonnée.
2. Alléger la structure des coûts.
Dans le cas de Nalco, cette réduction de l’offre, a évidemment permis une réduction du nombre d’employés. Pourtant seulement 4% des 11000 employés étaient concernés (alors que le catalogue de produits était réduit de 25%). Plusieurs études (dont je recherche activement les références) montrent qu’une réduction forte du personnel soulage les comptes à court terme, mais handicape les entreprises à long terme.
3. Développer l’agressivité commerciale.
Paradoxalement, la crise est un moment pour gagner des clients. Ces derniers ont en effet des comportements plus rationnels. Ils sont donc plus sensibles aux arguments tentateurs. Redéployer les ressources pour une plus grande agressivité commerciale et un meilleur service au client est une stratégie poursuivie par plusieurs compagnies. Home Depot le fait avec ses "power hours"(voir la description dans la première partie de ce billet). Nalco a redéployé ses équipes sur les marchés en émergence, sans surprise la Chine, l’Inde et le Brésil.
Pour Avon, la crise a été une opportunité de développement de son réseau commercial (vente à domicile) à moindre coût. La croissance du chômage a créé un bassin de ressources compétentes et réseautées dans laquelle Avon a puisé pour augmenter de 10% le nombre de ses représentants. Comme ceux-ci sont payés à la commission, cette agressivité commerciale n’augmente pas les frais.
4. Innover.
De nombreux indices peuvent amener à anticiper que nous vivons une transition socio-économique majeure. Le monde de sortie de crise ne sera plus le même. Les attentes des clients auront changé ; les technologies auront évolué ; la préoccupation environnementale se sera développée ; les contraintes légales se seront durcies ; les concurrents venus des pays en développement se montreront très agressifs sur de nombreux marchés.
A peu près partout la dynamique concurrentielle va changer. De nouveaux acteurs spécialisés, nés avec la crise se développeront sur des niches. Ailleurs, des géants (Apple, Google, ou autre) se seront attaqués de manière inattendue à de nouveaux secteurs.
Pour survivre on n’a pas le choix d’innover, de se préparer à ce futur. Ainsi GE fait un effort massif en investissant dans la R&D pour stimuler l’innovation.
5. Reconfigurer la chaîne de valeur pour accéder aux ressources nécessaires.
Dans un contexte de crise, les budgets sont serrés, les activités sont recentrées sur le cœur de métier et les ressources sont rares. Pour développer la conquête, on gagne à ne pas rester seul. La crise est l’occasion de développer de nouveaux partenariats. Ainsi le programme de R&D de GE s’appuie sur des partenariats avec des organismes ainsi que des entreprises publiques ou privées (comme Cisco par exemple).
Une autre façon d’accéder à des ressources est de saisir les opportunités de rachats qui se présenteront. Cela suppose de se donner des marges de manœuvre (principes 1 et 2) et de chercher à se refinancer avant les autres pour pouvoir fondre sur les proies et ainsi accéder à des capacités qui permettront de renforcer l’avantage concurrentiel. C’est ce que firent Nalco ou Waste Management par exemple.
Et vous ? Quelle est votre stratégie ?
Bien évidemment toute stratégie est contextuelle. Appliquez les cinq principes et il y a de grandes chances que vous échouiez. Cependant ceux-ci constituent des angles d’analyse pertinents.
Si votre stratégie se résume à faire comme avant, en vous recentrant sur vos fondamentaux, et en réduisant les coûts (et les investissements à long terme sur des choses aussi incertaines que la R&D ou diverses expérimentations), attention. Vous avez peut-être raison. Mais prenez le temps du doute et laissez-vous inspirer par ces quelques exemples, ils pourraient vous ouvrir des horizons nouveaux.
lundi 19 octobre 2009
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