samedi 15 janvier 2011

2.0

Dans le cadre de mes recherches de doctorat, j’ai fait un petit tour de la littérature scientifique pour tenter de donner une définition du virage 2.0. Partage.

Tout est aujourd’hui 2.0 : l’Internet, les entreprises, Marseille-Bordeaux. Le terme a été cité pour la première fois en octobre 2004 par O’Reilly. Il décrit une évolution technologique qui a quatre caractéristiques majeures :
- La contribution des utilisateurs (user generated content),
- Le fonctionnement par communautés,
- L’informatique dans les nuages (cloud computing),
- L’open source) et le creative commons.

Ce nouvel environnement technologique a vu de nouvelles entreprises émerger et s’imposer, dont l’emblématique Facebook. Les modèles d’affaires des entreprises 2.0 ont bousculé les entreprises 1.0. Wikipedia a triomphé de l’encyclopédie Britannica Online. Aujourd’hui toutes les entreprises se questionnent sur leur virage 2.0. Une vague d’innovation dans les modèles d’affaires est à prévoir.

La contribution des utilisateurs

Elargissement de la bande passante, développement de plateformes (YouTube, Flickr, Blogger, Typepad, etc.) accessibilité grandissante du matériel et des logiciels de production audio-vidéo, plusieurs raisons techniques expliquent la possibilité qui s’est développée pour les utilisateurs au milieu des années 2000 de créer et d’uploader du contenu et pas seulement de consulter le contenu disponible. Ainsi en décembre 2010, YouTube estimait que 35 heures de vidéo étaient envoyées chaque minute.

Une illustration du phénomène est le concept de folksonomie qui se substitue à la taxonomie. Par exemple sur Flickr, les internautes qui déposent des photos ne les classifient pas en fonction d’une taxonomie disponible (top-down), mais identifient les mots (les tags) qui pour eux décrivent le mieux leur photo, ainsi, à partir des usages des internautes, s’agrège une folksonomie (bottom – up).

La contribution des utilisateurs donne de la valeur aux plateformes qu’ils utilisent. Par exemple Google Earth s’enrichit des photos que les internautes déposent en les géolocalisant. Cela crée un effet de réseau classique qui renforce l’avantage concurrentiel des leaders qui recueillent le plus de contributions.

Rien ne résiste à la volonté d’expression et de contribution des internautes, ce que l’on pourrait nommer la culture « hackers ». Ils donnent leur avis sur les services reçus . Ils n’hésitent plus à manifester leur mécontentement au sujet de l’offre ou des comportements d’une compagnie. Ajouter « sucks.com » à la fin du nom d’une entreprise amène de façon presque certaine à un site où des clients se plaignent. Ils détournent sans vergogne les logos, les campagnes de publicité et les produits. Par exemple sur le blogue IkeaHackers.net, une communauté de joyeux bricoleurs explique comment elle transforme les meubles Ikea pour les embellir, les rendre plus pratiques ou les adapter à une tâche particulière.

Plutôt que de résister, certaines entreprises cherchent à exploiter ce désir de contribution de leurs clients. C’est une des dimensions du crowdsourcing. Certaines entreprises font voter leurs clients pour faire évoluer leurs offres. Par exemple à l’été 2009, Del Monte avait fait voté des femmes pour choisir l’acteur qui donnerait sa silhouette à leur crème glacée en bâtonnet. Résultat : Daniel Craig connu pour son rôle de James Bond.

Beaucoup créent des sites pour recueillir les avis des clients : Dell Ideastorm, Salesforce Community, Lab Transilien SNCF, etc. La construction de l’offre est ainsi de moins en moins push et de plus en plus pull, influencée par les attentes des clients. Dans certains cas, l’offre est elle-même constituée des contributions des clients. Le Post, par exemple, est un site d’information filiale du journal Le Monde. Une partie de son contenu est créé par des blogueurs invités et des contributeurs dont les informations sont vérifiées par la rédaction de journalistes. D’autres entreprises mettent leurs clients à contribution dans le marketing. Doritos par exemple va très loin en confiant tous les ans à ses clients le soin de trouver le nom et de concevoir la publicité pour un produit nouveau.

Le fonctionnement communautaire

L’Internet 2.0 est un support de développement pour une infinité de communautés regroupant des individus qui ont des intérêts communs. Des outils fédèrent ces communautés : Facebook, Twitter, LinkedIn, Vimeo, forums, etc. (Hunt, 2010). En quelque sorte, chacune d’entre elle peut être perçue comme une niche. En leurs seins, les échanges entre membres, de pair à pair (P2P), sont fréquents et souvent gratuits.

Cela a un impact majeur en ce qui concerne le marketing. Le marketing viral cherche à exploiter ces réseaux de bouche-à-oreille virtuel. L’approche est mieux ciblée donc moins coûteuse avec des effets de levier beaucoup plus rapides (par exemple pour lancer un nouveau produit). Le marketing devient de plus en plus un dialogue entre l’entreprise et les communautés qu’elle sert.

Plusieurs entreprises essaient aussi d’exploiter la dynamique P2P. Certains modèles purs ont émergé : les prêts communautaires qui se passent de banques (Prosper, Zopa, et autres). Autre exemple myprivatecompany.com, propose aux internautes d’investir un petit montant sur les chanteurs qui s’inscrivent sur le site, pour devenir l’un de leurs producteurs. Il arrive que le modèle fonctionne. Ainsi le chanteur Grégoire a été le premier succès de myprivatecompany.com. Il a vendu plus d’un million d’exemplaires de son album. D’autres entreprises cherchent à intégrer cette logique dans leurs modèles d’affaires. Par exemple Burton a fait un gros effort pour regrouper une communauté de surfeurs autour de sa marque.

L’informatique dans les nuages

L’informatique dans les nuages permet d’envoyer sur des serveurs distants ce qui normalement est présent sur son ordinateur : logiciels, données, etc. Une application de ce type est déjà entrée dans l’usage quotidien. Il s’agit de la gestion des courriels : avec gmail, hotmail et autres, ils ne sont pas stockés sur nos ordinateurs, mais restent dans les serveurs des fournisseurs. Dans ce contexte les compagnies ne vendent plus des logiciels mais du service (software as a service, SaaS).

Pour les fournisseurs, le changement de modèle d’affaires est radical. En particulier, en devenant des firmes de services, la capacité à gérer des opérations devient une capacité clé . Du point de vue du client, cette philosophie a un impact majeur sur l’architecture du système d’information du modèle d’affaires.

L’open source et le creative commons

L’internet 2.0 est celui de la circulation des idées et de la force de la communauté. Il est étonnant de constater combien de temps et d’énergie les individus sont capables d’investir dans des projets gratuits (wikipedia, yahoo answers, spacehack , etc.) juste par passion. Dans ce contexte, La notion de propriété intellectuelle telle qu’elle est vue de manière classique est remise en question. L’open source et le creative commons apparaissent comme des moyens de donner un cadre légal à ce phénomène.

Les plateformes de partage en ligne (Flickr, Youtube, etc.) sont nées de cette logique. Certains secteurs sont profondément ébranlés par cette évolution. Pensons au secteur de la musique ou de la télévision. Plusieurs entreprises se sont appuyées sur l’open source et le creative commons pour faire évoluer leur modèle d’affaires. L’open source est au cœur de la stratégie du AppStore puisque les applications sont développées par des milliers de compagnies, moyen pour Apple d’assurer une grande diversité d’applications disponibles (ce qu’elle ne pourrait réaliser en interne) sans en assumer les risques.

Dans le même ordre d’idées, Lego propose à ses utilisateurs de mettre en ligne les plans de leurs créations pour inspirer les autres, habiles façon de créer de la valeur pour les clients sans avoir besoin d’investir. Les journaux en ligne intègrent de plus en plus de blogueurs qui fonctionnent dans une logique de creative commons. Exemple plus anecdotique Free Beer est une bière open source. N’importe quelle brasserie peut s’emparer de la recette pour l’améliorer à condition de mettre à disposition de la communauté sa propre recette et de respecter la charte graphique.


Note :
Spacehack est un projet inspiré par la NASA qui permet à des individus de contribuer au progrès scientifique, en participant par exemple à l’analyse de données (par exemple la classification des cratères de la lune à partir des photos), ou en étant partie prenante dans une démarche d’ingénierie open source.

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