dimanche 16 mai 2010

C’est pas tout, il faut vendre ! (Partie 4 : Innover dans les modes de distribution)

Dans un mode hyperconcurrentiel, en réponse à des attentes clients qui évoluent radicalement, les modes de distribution sont un levier majeur de différenciation. Au-delà de l’expérience que l’on fait vivre au client à travers le canal de vente, sujet que nous n’aborderons pas ici, les modes même de distribution sont la source d’innovations potentielles importantes.

Deux approches les magasins éphémères et la distribution automatique peuvent être pertinents dans des contextes particuliers. Quant à l’intégration des canaux pour créer une proximité multicanal sans couture, elle m’apparaît comme une tendance de fond à laquelle toute entreprise devrait réfléchir.

1. Les magasins éphémères

Qu’on les nomme « pop-up stores », « magasins éphémères » ou « guerilla stores », depuis quelques années, ce format de distribution se multiplie. L’idée est de créer des points de vente à durée de vie limitée, de quelques jours à quelques mois. De nombreuses marques se sont lancées, tour d’horizon.

- Un modèle d’affaires
Chronostock a fait son modèle d’affaire de l’ouverture et de l’exploitation de magasins éphémères dans le domaine du petit électroménager et des instruments de cuisine. Cela la met en concurrence directe avec les sites de vente flash sur Internet.
L’enseigne investit un espace libre, par exemple une crèche désaffectée, et pendant quelques mois écoule son stock à prix cassés : 20% à 40% moins cher que dans le commerce traditionnel.
Dans une entrevue à Intermédia, l’un des deux fondateurs, Edouard de Jandin explique très clairement le modèle d’affaires : « Cela coûte très cher d'émerger en ligne. Et la logistique est également coûteuse. Alors qu'ici le client repart avec son produit. On loue simplement un entrepôt pour stocker le matériel qu'on achète. Et il n'y a pas de réassort. Quand le produit est épuisé, c'est fini. En réduisant les coûts au maximum, on propose des prix plus compétitifs que sur internet. »
Pour annoncer l’ouverture de ses magasins temporaires, Chronostock organise des jeux de piste sur Internet.

Chronostock est une exception. A première vue (et je peux me tromper) peu d’entreprise choisissent ce modèle d’affaires. Pour la plupart des marques les magasins éphémères sont des canaux complémentaires utilisés pour des occasions particulières.

- Une réponse à la saisonnalité des ventes

L’ouverture de magasins éphémères peut être une solution pertinente pour répondre à une forte saisonnalité des ventes. On pourrait ainsi imaginer des magasins qui ouvrent dans les stations de ski en hiver et sur les plages en été distribuant des marques (nombreuses) s’adressant à ces deux marchés. Ainsi Toys'R'Us ouvre 80 points de vente éphémères aux Etats-Unis au moment de Noël. Une première expérience a été menée en France dans un centre commercial de Seine-et-Marne.

- Une plateforme pour lancer un nouveau produit
La création d’une boutique éphémère est un bon moyen de créer du bruit autour du lancement d’un produit et de créer un cercle d’ambassadeurs autour de lui, tout en recueillant leurs commentaires. Les exemples sont multiples.
Pour lancer son Cube, Nissan a créé à Paris du 26 novembre au 31 décembre 2009 son Cube Store. Pour y entrer, il fallait avoir été coopté ou postuler sur Internet. A l’intérieur : la vente de produits japonais ainsi que des événements qui plongeaient le visiteur dans l’univers du produit.
Pour le lancement de Windows 7, un café design accueillait à Paris les impatients qui souhaitaient tester le nouveau système d’exploitation.
Procter et Gamble décline le concept pour plusieurs de ses marques. Clearblue a créé un lieu éphémère intimiste pour profiter de la Saint-Valentin et lancer son nouveau test de grossesse. Durée : 2 jours. Oral-B, spécialiste des brosses à dents électriques, ouvre pour la troisième année consécutive dans le quartier chic de paris : au 131 rue du Faubourg-Saint-Honoré, pour l'utilisation son bar éphémère axé sur la beauté. Karine Pinon, responsable des relations extérieures des produits santé et bien-être de Procter & Gamble, explique très bien l’utilité de cette opération dans le marketing de la marque : « Pour lever les freins à l'utilisation d'une brosse à dents électrique, il faut la faire essayer, donner des conseils et en dédramatiser l'usage en instaurant une atmosphère de bien-être. La personne fréquentant l'Oral-bar est un consommateur gagné qui parlera positivement de ce qu'il a vécu » (source : un article du journal Les Echos).
Les clientèles visées sont parfois étonnantes. Ainsi Meow Mix, une marque américaine d’aliments pour animaux, avait ouvert à la rentrée un bar pour chats en plein Manhattan. Ils pouvaient là goûter les nouvelles saveurs de les croquettes Hairball. Un concours identifiant le meilleur miauleur était aussi organisé.

- Un moyen de préparer l’ouverture d’un magasin
Un magasin éphémère peut aussi permettre de préparer le terrain avant une ouverture définitive. Deux exemples. L’enseigne japonaise de vêtements Uniqlo a présenté ses produits phares dans un petit local du Marais, avant l'installation de son premier magasin parisien. La Maison du Whisky a créé un espace thématique (calvados et cidre après les whiskies japonais) au carrefour de l'Odéon en attendant l'ouverture d'une boutique permanente de spiritueux.

- Une occasion de célébrer un événement

Pour fêter ses 50 ans Ferrero avait ouvert une espace éphémère retraçant son histoire et commercialisant en avant-première une édition limitée de produits estampillés « 50 ans », et proposant des animations ludiques, comme un atelier de recettes basées sur les produits du groupe.
Pendant l’été 2008, Nike a célébré les jeux Olympiques de Pékin dans des espaces éphémères ouverts dans sept villes. Le succès reposait sur la combinaison d’un lieu d’exception (à Paris, une péniche sur la Seine), d’une présentation très sélective de produits avec des bornes interactives et une série d’événements (visites d’athlètes et de personnalités).

- Organiser l’éphémère, un nouveau métier pour les agences de marketing
L’organisation de l’éphémère est compliquée : au niveau juridique, logistique, publicité, aménagement et décoration. Des agences se spécialisent dans ce créneau à la mode. Deux exemples en France.
L’agence My Pop Up Store « monte pour [une] marque une opération de magasin éphémère sur mesure et clé en main ». Pour ce faire, elle s’est dotée d’une agence immobilière.
Plusieurs agences se sont spécialisées dans l’organisation de ces opérations éphémères. Le modèle de l’agence Waf est intéressant. Elle a créé un espace nommé l’atelier dans une ancienne imprimerie située face au Centre Pompidou. Tous les mois, les produits présentés changent. Waf accompagne les marques dans la création de ces espaces éphémères. Facture annoncée par le magasine Capital : entre 35000 à 50000 euros, selon les options retenues par le client.

2. La distribution automatique

Les machines distributrices se multiplient. Boissons, sandwiches, revues, sextoys, de plus en plus de produits adoptent ce format en réponse à la mobilité des consommateurs et à leurs horaires de consommation atypiques. Pensons par exemple aux distributeurs automatiques de maillots et de bonnets de bain dans les piscines.
En France Petit Casino 24 est l’enseigne de référence dans le domaine. Ses 47 épiceries automatiques proposent 200 références dans des emplacements à fort trafic. Elles réalisent en moyenne 100 000 euros par an en vendant pour 30% des sodas, 30% des sandwiches et 20% des produits laitiers (chiffres de 2007).

Ce format peut-il être utile pour d’autres produits ? Pourquoi pas. Si vous vendez des produits qui peuvent être de première nécessité et qu’il existe un espace où votre clientèle est concentrée (idéalement avec des horaires atypiques) comme une piscine, une entreprise, ou une salle de spectacle.

3. L’intégration des canaux : la proximité multicanal sans couture

A mon avis, au-delà des concepts comme les magasins éphémères ou la distribution automatique qui ont des usages spécifiques, le principal axe d’innovation de fond est l’intégration des canaux de distribution pour créer une proximité multicanal sans couture.

L’enjeu est de permettre aux clients d’accéder au niveau de service souhaité au moment où ils le veulent et par le canal qui est le plus pratique.
Des innovations technologiques sont utiles : vidéoconférence, click-and-call, etc. Mais au-delà créer une approche multicanal intégrée est un enjeu majeur en ce qui concerne le système d’information, les modes d’organisation (beaucoup plus transversaux) et les réflexes culturels (par exemple imposer l’idée que le client n’appartient à personne et qu’on peut partager un client) conditionnés par des pratiques organisationnelles (comme la fixation des objectifs individuels de vente par exemple).

Réussir la proximité multicanal sans couture nécessite donc une transformation organisationnelle complexe et coûteuse. C’est pourtant un incontournable. En effet de nouveaux acteurs profitent des espaces nouveaux créés par les technologies pour se faufiler et grapiller des parts de marchés aux acteurs installés.

samedi 15 mai 2010

C’est pas tout, il faut vendre ! (Partie 3 : Penser intégration de la chaîne de valeur)

Il en va dans le commerce comme dans les grandes campagnes militaires : un incontournable pour le succès se trouve dans la pertinence et la robustesse des voies d’approvisionnement. Coupez-vous de vos bases et vous êtes morts.

En ce qui concerne le modèle d’affaires d’une entreprise, il s’agit de l’intégration du réseau de distribution dans la chaîne de valeur :
- Quels sont les coûts de distribution ?
- Quelle est la réactivité de l’entreprise en matière de distribution ?
- A quel coût assurer la personnalisation souhaitée par le client ?
- Quel est l’impact de l’ouverture d’un nouveau point de vente ? A-t-il un effet de seuil ?

Grandeurs et misère des stratégies de distribution


La question peut amener à des choix drastiques. Par exemple, Canadian Tire a abandonné la distribution par Internet parce que cela entraînait trop de complexité et de surcoût dans la gestion de sa logistique, alors que son avantage concurrentiel était au contraire la proximité à travers un réseau dense de magasins.

Fin 2009 Mc Donald’s a fermé tous ses restaurants en Islande. En effet, les volumes étant trop petits pour justifier une fabrication locale, tout, des légumes aux emballages, était importé d’Allemagne. Or avec la crise financière qui a fait chuter la couronne islandaise, les coûts ont doublé, détruisant la rentabilité des restaurants.

Au contraire Wal-Mart a bâti son succès sur ses compétences en matière de gestion logistique. L’entreprise a ainsi mis sur orbite son propre réseau de satellites, le plus grand réseaux de communication privé, pour faciliter l’échange d’information en direct.

1. Penser coût d’approvisionnement

Quand on pense implantation d’un nouveau canal de distribution, il faut évaluer les coûts logistiques induits. Des chaînes comme Starbuck ou Mc Donald’s l’ont parfaitement compris : ouvrir un magasin isolé complexifie la chaîne et augmente les coûts, ce qui se répercute sur le prix de vente ou sur les marges. La stratégie de croissance adoptée consiste à ouvrir une grappe de points de vente proches les uns des autres, ce qui permet de gérer des volumes (et accessoirement de rendre visible la marque sur le terrain).

Cette question constitue une barrière d’accès sur les nouveaux marchés dans beaucoup de métiers de distribution où les marges sont faibles : prenons par exemple la grande distribution ou l’automobile généraliste (hors marques de luxe). Si Wal-Mart souhaite s’installer en Europe ou Fiat aux Etats-Unis ils ne peuvent pas ouvrir quelques magasins pour tester. Il faut accéder à un réseau déjà constitué : d’où le rachat de Wertkauf en Allemagne par Wal-Mart (beau plantage !) et le partenariat avec Chrysler pour Fiat (beau potentiel de plantage !).

2. Penser réactivité et personnalisation

Au-delà du coût une question est la réactivité dans la réponse à la demande des clients : un produit en catalogue qui n’est plus présent, une taille qui manque, une accessoirisation particulière, combien de temps pour réagir et à quel coût ?
En matière de réactivité, l’intégration des systèmes d’information dans la chaîne de valeur permet de plus en plus une gestion en direct des stocks dans les points de vente. De plus en plus le lien peut se faire directement entre le producteur et le distributeur. Le premier suit l’évolution des stocks et lance un réapprovisionnement à partir d’un niveau critique.

La question de la personnalisation est un sujet très intéressant. En fonction du type de personnalisation souhaité, il est possible de réduire les coûts et d’augmenter la réactivité est faisant faire la personnalisation chez le distributeur lui-même.

3. Prendre en compte les effets de seuil


Ouvrir un point de vente ou un nouveau canal d’accès peut entraîner des effets de seuil aux impacts financiers potentiels importants positifs ou négatifs :

Positifs, les effets d’échelle
: Parce qu’on ouvre quelques nouveaux magasins, le volume devient suffisamment important pour justifier la création d’une ligne d’approvisionnement plus performante : par exemple par la construction d’un nouveau centre de distribution plus proche.
Par exemple, le rachat de Laura Secord permet à Nutriart d’amortir l’investissement dans sa nouvelle usine ultramoderne de production de chocalat.

Négatifs, les effets de débordement : Au contraire parce qu’on ouvre quelques nouveaux magasins, la hausse de la demande va nécessiter la mise en place d’une infrastructure logistique importante qui va absorber les gains réalisés.


Conclusion

- Le choix de développer son réseau de distribution ne peut pas être séparé des problématiques de logistique et de production et du triptyque coûts / délais / qualité.
- La stratégie de distribution doit prendre en compte le niveau de réponse aux attentes de réactivité et de personnalisation des clients, qui est au cœur de la promesse qui est faite aux clients.
- Pour penser son réseau de distribution et son expansion il est nécessaire d’anticiper les effets de seuil positifs (effets d’échelle) et négatifs (effet de débordement des capacités des infrastructures).



Dans le dernier billet, il ne nous restera plus qu’à nous convaincre que :
4. De l’innovation est possible, même dans les modes de distribution

vendredi 14 mai 2010

Intermède : Martin Vidberg explique l'incertitude boursière

L'une des analyses les plus pertinentes que j'ai vues sur la crise boursière. Signée Martin Vidberg.



Je vous conseille vivement son blogue de dessins d'actualité : L'actu en patate. C'est souvent brillant.

C’est pas tout, il faut vendre ! (Partie 2 : Penser la distribution en multicanal)

Les comportements des clients évoluent. De plus en plus ils vont chercher de l’information sur Internet, mais face à des produits complexes il veut du conseil en parlant à quelqu’un.

Les clients sont aussi en quête de simplicité d’utilisation : accessibilité du point de vente, facilité de livraison, etc. Il faut donc penser les différents canaux de distribution de manière globale et non distincte, on parle de proximité multicanal.

Les canaux sont naturellement en concurrence. Toute ouverture d’un nouveau canal cannibalise les canaux existants. Lorsque Apple ouvre un Apple Store, les distributeurs locaux perdent des ventes. Lorsque Tupperware développe un canal grande distribution, son canal traditionnel de vente à domicile est en crise.

La question est particulièrement cruciale lorsqu’une entreprise développe un site Internet marchant et qu’il existe un réseau physique. En effet Internet permet de réaliser les transactions de base et de plus en plus les nouveaux outils (forums, sites de comparaison, etc.) permettent d’informer les clients. Dès lors la question qui se pose est : pourquoi les clients iraient-ils dans le réseau physique ?

Cette question de valeur-ajoutée du réseau d’agences se pose tout particulièrement dans les services financiers, banques et assurances. Les banques voient le nombre de clients fréquenter leurs agences se réduire inexorablement. Il faut dire qu’elles ont organisé cette désertion en créant les murs d’automates qui permettent de remplir les opérations de base. Le défi de valeur-ajoutée du point de vente physique est immense : comment justifier dans les yeux du client la contrainte du déplacement ? Mes clients dans le domaine de la banque répondent tous : par la valeur-ajoutée du conseil apporté. Certes. Mais rien n’impose le déplacement. Dans une banque comme Monabanq les rendez-vous entre conseiller et client se font par webcam. Le progrès technologique va vers une intégration des canaux.

Une voie pour ce sortir de ce dilemme est de rechercher une complémentarité des canaux ou, pour mieux dire, une continuité des canaux. Plusieurs démarches sont possibles :

Faire un lien du magasin vers le virtuel

Dans de nombreux magasins on peut télécharger ses photos numériques qui seront livrées en magasin ou par la poste.
Dans plusieurs magasins culturels, des bornes interactives guident le client pour commander des livres ou disques qui ne sont pas en stocks et qu’il recevra par la poste.
Le distributeur Casino va installer des bornes d'accès dans ses magasins pour de guider ses clients qui effectuent des achats sur Internet vers le site de vente en ligne de sa filiale Cdiscount.
Une caisse régionale de crédit agricole teste un dispositif grâce auquel les personnes entrant dans le sens de la banque sont prises en charge via un écran par des personnes qui les saluent et les guident.

Faire un lien du site vers le réel


Le click and call est de plus en plus présent sur les sites. Il permet à l’internaute de parler à un conseiller.
Pour rassurer le client dans le processus d’achat d’un produit aussi impliquant (et complexe) que le prêt immobilier, le site meilleurtaux.com a choisi d’ouvrir 130 agences).
Internet peut être un moyen de générer du trafic en magasin.
De nombreux site comme Canadian Tire ou Future Shop permettent de vérifier sur le site la disponibilité d’un produit en magasin. Dans certains domaines, le besoin de conseil fait que l’on souhaite parler à un vendeur pour exposer une situation qui est nécessairement très personnelle.
Mc Donald’s permet de passer commande sur son site Internet avant de se rendre dans les restaurants participants.
En région parisienne, le site Coursengo permet de passer des commandes qui seront préparées puis retirées dans les magasins Franprix (le service est gratuit à partir de 75 euros d’achats). Le client peut aussi être livré à domicile (gratuit à partir de 160 euros d’achats).

Assurer la continuité des canaux, la proximité multicanal


Le point clé est d’assurer une continuité entre les canaux. Cela pose évidemment un défi technologique en particulier l’accès à un dossier unique.
Le client doit pouvoir entrer par le point qui lui simplifie la vie, avec idéalement, l’accès au même niveau de conseil, ce que permet le click and call par exemple.
Ainsi la caisse populaire Desjardins de Ste Foy a mis en place un système de vidéoconférence qui permet aux conseillers de rester en contact avec leurs clients.

La proximité multicanal doit aussi être pensée avec les outils de demain : vidéoconférence, réalité augmentée, géolocalisation qui permet de capter les clients qui déambulent à proximité des magasins. Nous allons vers une intégration des canaux, sans couture. L’avenir est dans une distribution multicanal sans couture qui simplifie la vie du client, développe l’accessibilité et permet d’avoir accès à un conseil à valeur-ajoutée.

Conclusion :
- Evaluer l’impact sur les canaux existants de l’ouverture d’un nouveau canal.
- Penser autant que possible en terme de complémentarité et de continuité des canaux de distribution pour assurer une proximité multicanal.
- Développer la vigie sur les évolutions technologiques et toujours se poser la question : en quoi le nouveau truc technologique peut permettre de développer la proximité multicanal (simplification de la vie du client + accessibilité + accès à un conseil à valeur-ajoutée).



Les prochains billets exploreront deux autres thèmes :
3. On ne peut réfléchir distribution sans penser chaîne de valeur
4. De l’innovation est possible, même dans les modes de distribution

jeudi 13 mai 2010

C’est pas tout, il faut vendre ! (Partie 1 : Distribution, modèle d’affaires et avantage concurrentiel)

J’ai beaucoup de discussions avec mes étudiants sur le thème de la distribution. Je me rends compte que c’est un aspect du modèle d’affaires qui est peu abordé dans leurs études. Cela amène plusieurs réflexions et tant qu’à les faire, je les partage.

1. Le modèle de distribution doit être cohérent avec le modèle d’affaires et l’avantage concurrentiel.

Le mode de distribution est un élément majeur du modèle d’affaires puisqu’il structure l’accès au marché. De multiples modèles sont possibles : vente par Internet, réseau détenu en propre, distributeurs, franchises, vente à domicile, etc. Le modèle de distribution peut être un facteur de différenciation sur lequel construire un avantage concurrentiel. Au Québec, le choix des emplacements des magasins de bijoux et accessoires Bizou est un facteur clé de son succès.

La structure de distribution d’Apple est particulièrement rentable. Elle combine un réseau d’Appelstores très rentables qui en outre entretiennent l’image de marque et génèrent autour de 20% du chiffre d’affaires, avec un réseau de distributeurs qui permettent à la marque d’être partout et une distribution par des partenaires, compagnies téléphoniques, qui génère des revenus très importants puisque Apple a négocié des conditions exceptionnelles : autour de 20% des abonnements et des revenus générés par les abonnements et les frais d’utilisation liés au iPhone sont reversés à Apple.

Attention à ne pas détruire un avantage concurrentiel lié au mode de distribution. Ainsi au début des années 2000, l’analyse de Tupperware s’est révélée désastreuse (source : Management, n° 174, avril 2010, 30-31). La marque avait décidé de faire évoluer son réseau de distribution. Pour la première fois, un accord avait été conclu avec la chaîne d’hypermarchés Target aux Etats-Unis pour distribuer cinquante produits dans 1150 points de vente. Pour cela Tupperware dut réduire ses prix et engager une force de vente dédiée. Le résultat fut rapide et sans appel : rentabilité divisée par deux en sept semaines, deux tiers des démonstratices perdues (elles n’arrivaient plus à trouver des clientes qui pouvaient trouver les mêmes produits moins chers dans les supermarchés). Huit mois plus tard l’expérience était abandonnée. Depuis le groupe a renoncé à être distribué sur Internet et en magasin pour se concentrer sur un modèle de distribution par vente à domicile qui est au cœur de son avantage concurrentiel :
- Il répond au besoin d’information des clientes. Les produits sont sophistiqués et nécessitent des argumentaires détaillés. La démonstration à domicile permet de valoriser la qualité des produits. D’ailleurs la valeur-ajoutée de ces réunions a augmenté. Depuis cinq ans, la marque organise de véritables ateliers cuisine durant lesquels la démonstratrice donne un cours de cuisine.
- Il permet de maintenir la marge en réduisant les coûts de distribution.
- Il construit l’image de proximité de Tupperware et permet de faire remonter de l’information riche sur les besoins et attentes des clients, extrêmement intéressants pour l’évolution de l’offre.

Conclusion :
Avant de prendre une décision quant à l’évolution de son modèle de distribution il faut donc bien comprendre en quoi il est un élément de constitution de l’avantage concurrentiel :

- En quoi répond-il aux besoins des clients (accessibilité, expérience d’achat, coûts de distribution intégrés dans le prix)?
- Comment il contribue-t-il au modèle économique de l’entreprise ?
- En quoi il contribue-t-il à construire l’image de marque qui fidélise les parties prenantes (clients, salariés, partenaires, etc.)?



Les prochains billets exploreront trois autres facettes du même thème :
2. Il faut penser la distribution en multicanal
3. On ne peut réfléchir distribution sans penser chaîne de valeur
4. De l’innovation est possible, même dans les modes de distribution

Publications universitaires

Parce que j'ai aussi une vie universitaire.

Je signale deux chapitres dont je suis le coauteur. Publiés dans le livre : "Information and Communication Technology and Small and Medium Sized Enterprises: From Theory to Practice", aux éditions Cambridge Scholars Publishing

- "Relationship between SME Performance and Information and Communication Technology", Jean-François Rougès, Diane Poulin, Sophie D’Amours, Benoit Montreuil

- "The Alignment of IT in SMEs and its Contribution to Performance: Research Directions", Jean-François Rougès, Diane Poulin, François Bergeron, Yan Cimon

Précaution : sauf si c'est votre sujet de recherche, évitez.
Et merci beaucoup à Diane Poulin, ma codirectrice de recherche, pour tout.