Le changement est à la mode. C’est d’ailleurs la première mode durable.
La crise encourage et légitime toutes les remises en cause et tous les doutes. La crise est disciple de Descartes en somme, et c’est très bien.
« Quand la vitesse des changements externe est supérieure à la vitesse des changements internes, l’organisation est en péril » (phrase attribuée selon la légende à Jack Welch, ce qui est tout à fait crédible)
Bien, bien, mais qu’est qu’un changement au juste ? Immense question. Que je vais réduire quelque peu. Dans « The strategy paradox », Michael Raynor identifie deux types de changements qui méritent toute l’attention de qui essaie de comprendre le monde qui l’entoure : les changements brusques (je serais tenté d’utilisé le mot de rupture s’il n’était si mal employé) et les changements lents.
Les changements brusques.
Un premier type de changement brusque est induit par des événements brusques, souvent imprévisibles et exogènes, qui en un instant reconfigurent un environnement : l’explosion de la bulle Internet, le 11 septembre. Du jour au lendemain les règles du jeu sont différentes. Vu sous l’angle de la théorie de la contingence, les conditions de la sélection des stratégies gagnantes changent subitement.
Un second type de changement brusque se caractérise par une longue gestation et une brusque explosion (long fuse / big explosion). Cela arrive en particulier lorsque un concurrent, qui a développé un modèle d’affaires performant dans son secteur, s’en sert pour pénétrer un nouveau secteur : Apple avec ITune ou le IPhone par exemple.
Un changement brusque redistribue subitement les cartes. Celui qui réussit n’est pas celui qui s’adapte le plus, mais celui dont la configuration correspond le mieux au nouvel environnement. Par exemple, McDonald’s par rapport à Starbucks dans la crise actuelle qui crée une plus grande sensibilité au prix.
Les changements lents.
Ces changements naissent d’une accumulation de petits changements graduels qui finissent par rendre les structurantes existantes obsolètes. Parce qu’elles ne les remarquent pas nécessairement, parce qu’elles sont dépendantes de leurs choix préalables, du fait de leur inertie, les organisations ne savent pas s’adapter. Puis vient le jour de l’effet de seuil, lorsque le petit changement supplémentaire fait craquer tout craquer.
Raynor donne les résultats d’une étude qui démontre la difficulté d’une grande organisation à s’adapter au changement. Sur les 100 entreprises du classement Fortune 100 de 1974 :
- Quatre ont pris le virage de la nouvelle économie, avec plus ou moins de succès (Monsanto, AT&T, Westinghouse et Greyhound).
- Neuf ont réussi à se réinventer dans le cadre de leur modèle d’affaires existant (ex. J&J, Coca-Cola, 3M).
- Six ont adopté des stratégies combinées entre tradition et réinvention (GM, Ford, Kodak, Xerox, IBM et GE).
- Les 81 autres ont connu un lent mais constant déclin.
Cette analyse de Nohria et al. « Changing Fortunes : Remarking the Industrial Corporation », Wiley & Sons, New-York, date de 2002. Quand on regarde aujourd’hui, 7 ans plus tard, le sort des entreprises ayant des stratégies combinées, on constate qu’elles ont basculé :
- Du côté des entreprises aux stratégies « nouvelle économie » : IBM, GE
- Du côté des mourants pour GM et Ford.
- Le doute reste permis pour Xerox et Kodak (quoi que).
La métaphore du bambou
Je me souviens d’avoir entendu dans une conférence, un sinologue dont j’ai oublié le nom, expliquait la différence de perception du changement par les asiatiques et les occidentaux. Il s’appuyait sur la métaphore du bambou. Le rhisome du bambou se répand sous terre, hors de la vue. De temps en temps, une nouvelle pousse perce le sol et grandit au soleil.
Pour ce sinologue, le changement auquel s’intéressent le plus les occidentaux c’est la pousse du bambou (le changement brusque), celui qui est visible, alors que les orientaux se concentrent sur le rhisome, ce changement lent, continu, qui transforme peu à peu l’environnements socio-économique.
Plaidoyer pour l’air du temps
Nous, et moi le premier, adorons pensez aux ruptures, à tout ce qui va transformer subitement notre univers : la prochaine technologie, la prochaine disruption, etc. Peut-être est-ce un reste de pensée magique. Les tendances semblent moins nous passionner. Je le constate quand mes étudiants font une analyse PESTEL. Et pourtant…
De quoi l’industrie automobile est-elle en train de mourir ? D’une non-prise en compte du changement lent. Le changement brusque que constitue la crise n’est que la petite inégalité de la surface du trottoir qui fait chuter l’homme qui titube.
Alors que faire, la vigie pour détecter les signaux faibles d’évolution, l’identification des tendances et l’analyse des impacts sur l’organisation sont incontournables. Sentir l’air du temps et le comprendre.
La méthode par scénarios est un excellent outil pour concilier l’analyse des deux types de changements. La meilleure application que j’en connaisse est le travail de Shell, « Shell global scenarios to 2025 ». C’est un excellent outil pour se questionner sur les rhisomes du monde actuel. J’y reviendrai un de ces jours.
dimanche 22 mars 2009
Inscription à :
Publier les commentaires (Atom)
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire