Les cultures existent. Elles enchantent les touristes en quête d’authentique, font s’arracher les cheveux aux gens de marketing, interpellent les professeurs qui se questionnent sur leurs méthodes pédagogiques. Ce sujet me passionne. Et je reste fasciné par les impacts des différences culturelles. Exemple avec l’article de Zhang, Sarker et Sarker, 2008 « Unpacking the effect of IT capability on the performance of export-focused SMEs: a report from China », Information Systems Journal, 18, 357-380.
Leur hypothèse est que le contexte particulier des PME chinoises fait qu’elles ne tirent pas les mêmes bénéfices que les PME occidentales de l’utilisation des technologies de l’information et de la communication (TIC). Ils centrent leur analyse sur l’impact de la culture. Dans ce but, ils ont testé 136 PME chinoises exportatrices des régions de Chengdu et Zhengzhou.
Leurs auteurs concluent que si les PME tirent bénéfice de l’utilisation des TIC, la culture chinoise constitue un frein à la création d’une infrastructure TI intégrée. Ils affirment :
« Building an integrated IT infrastructure requires an open system of communication and work, where all authorized users have access to the majority of the features of a system. Such an access works well in countries with an open culture. However, in China, information is often treated as an individual, rather than an organizational resource (p. 374-375)”.
Leur article permet d’approfondir les particularités de la culture chinoise qui sont un frein à l’utilisation des TIC dans un contexte professionnel. Quatre points majeurs sont identifiés.
1. Le confusianisme
Au cœur du confusianisme se trouve l’idée que la stabilité d’une société est basée sur l’inégalité des relations. Par conséquence le junior doit respect et obéissance au senior. Les entreprises chinoises fonctionneraient traditionnellement sur un modèle paternaliste : une prise de décision centralisée, dans laquelle le dirigeant prend des décisions basées essentiellement sur son intuition et son savoir personnel, plus que sur des critères objectifs et des méthodes quantitatives.
2. Le Guanxi
Une autre dimension de la culture chinoise est l’importance des réseaux personnels, le Guanxi, qui valorise la confiance, les services et la réciprocité. Cette relation interpersonnelle riche, fait qu’en milieu professionnel, les communications en face-à-face ou par des messages écrits sont favorisés, plutôt qu’une médiation par les TIC.
3. Une communication à haut contexte
La culture chinoise fonctionne par une communication à haut contexte. C'est-à-dire que pour interpréter les messages, le récepteur a besoin de nombreux éléments de contexte (voir les travaux de Hofstede). La pensée chinoise est suggestive. Nous avons tous en tête ces tirades étranges entre mystère et poésie que nous voyons dans les films. Cette façon de communiquier s’accommode mal de la codification explicite nécessaire dans l’utilisation des TIC. Tous ceux qui communiquent par courriel connaissent l’impérative nécessité d’être explicite pour réduire les risques de mauvaise interprétation.
4. Le langage pictographique
Finalement le langage pictographique rend la traduction difficile dans le langage alphabétique de l’informatique.
Conclusion : vers une uniformisation ?
Cet article constitue une preuve de plus de l’impact des cultures locales. Avec la mondialisation je me pose la question : y aura-t-il convergence ? si oui, à quel rythme ? le besoin d’appartenance ne va-t-il pas au contraire exacerber des expressions identitaires ?
Des signaux semblent aller dans les deux sens.
Pour conclure je me rappelle une anecdote qui montre que les choses peuvent être longues à changer. Le phénomène se passe dans la caisse régionale du Crédit-Agricole du Gard. Un dirigeant raconte. Le sud du département est historiquement protestant et le nord catholique. Sans surprise, dans le nord, les agences font plus de prêts (pour consommer), et au sud elles vendent plus de produits d’épargne. Comme quoi les particularismes culturels peuvent perdurer longtemps.
Et pour finir une injonction : lisez « La montagne de l’aube » de Gao Xingjian, prix Nobel de littérature en 2000. Livre magnifique. Livre de brume et d’âme.
samedi 21 novembre 2009
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2 commentaires:
Analyse très intéressante. Ça fait effectivement partie des embûches qu'ils ont à traverser, cette culture du complexe et de la hiérarchisation. Aussi, on ne change pas une culture ancrée depuis des millénaires du jour au lendemain.
Par contre, les chinois sont aussi connus pour leur focus et leur effort lorsqu'ils veulent atteindre un but. Et leur essor économique, ils le VEULENT. Et il savent que ça passe par les TI, alors ils n'auront pas le choix de s'adapter.
Perso, je crois que progressivement les chinois vont se plier à ce que requièrent les TI, mais plieront aussi les TI à leur identité propre. Une assimilation complète d'un côté ou de l'autre me semble peu envisageable.
Vous avez une sagesse toute chinoise. J'adhère à votre vision.
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