lundi 27 juin 2011

Faut changer, ça presse - Réflexions sur l'avenir de la presse (partie 3)

Dans ce post, rédigé en collaboration avec MA14, nous allons explorer un deuxième axe de l’espace stratégique dans lequel jouent les médias. Il s’agit des supports de diffusion. Internet, téléphones intelligents constituent de nouveaux outils qui ont bouleversé le monde des médias. Ce billet est le deuxième d'une série de quatre.


Nous distinguons cinq types de présence que nous allons illustrer par des exemples : papier, en ligne, coexistence, continuité et virtuel.

Une précaution avant de commencer : nous pensons qu’il n’existe pas de modèle idéal. Les cinq types décrivent un univers des possibles. A chaque média en fonction de sa clientèle, de sa mission, d’inventer la combinaison qui lui correspond.


Papier.


Cette catégorie concerne les journaux et revues qui n’existeraient qu’en version papier. Si vous avez des exemples, nous sommes curieux, c’est une espèce en voie de disparition. ;-) Pourtant il est encore possible de créer une publication papier et de réussir.

L’excellente revue XXI mise sur la qualité et l’originalité de son contenu (par exemple un reportage en BD) ainsi que sur la beauté de sa mise en page avec un effort important d’illustration, pour être un « objet » qui justifie un format papier.


BANDE-ANNONCE XXI par rollinpublications


En ligne.


Le média (journal, revue) est présent sur Internet ou dans des applications pour tablettes ou téléphones intelligents, mais ne développe pas de contenu spécifique pour ce canal. La cible visée au départ du projet n’était pas l’internaute, mais le lecteur papier traditionnel que l’on emmenait ainsi sur un nouveau support.

Exemple : la publicité du Journal de Québec ci-dessous s’adresse au lectorat papier :


« Votre quotidien en format électronique ! Le même contenu que la version imprimée ».


La valeur-ajoutée de l’Internet est de garantir l’accessibilité au contenu du journal de n’importe où. De très nombreux journaux développent des applications pour téléphones intelligents ou tablettes qui sont des sélections d’articles disponibles sur le site ou dans le journal. (voir par exemple l’application iPad de Geo).




Coexistence.


Le média et son site internet ont deux vies parallèles qui se croisent peu. Chacun a sa vie propre. Cela résulte souvent de la façon dont la présence Internet s’est développée. Dans plusieurs cas, les sites Internet ont été développés en dehors des murs comme des jeunes pousses. A l’époque les sites étaient essentiellement des expérimentations, des façons d’explorer un nouveau territoire. Des équipes dédiées ont été bâties, avec leurs budgets et leurs objectifs économiques propres.

Le site de Libération est un bon exemple.



LibeLabo propose beaucoup decontenus spécifiques : podcasts sur de multiples sujets, curation, etc. Ce contenu était peu en lien avec les sujets traités dans le journal, et peu valorisé dans la version papier. De plus en plus on constate cependant une convergence. Sur Libelabo on trouve par exemple plusieurs éléments de « making of » du journal.


Continuité.


La présence sur les différents supports est synergique. On retrouve sur l’Internet ou dans l’application pour téléphones intelligents ou tablettes des éléments complémentaires qui permettent d’approfondir les articles dans la version papier.

Autre exemple, le lecteur reçoit des SMS qui lui permettent de suivre les sujets d’actualité qui l’intéressent. Ainsi Wired propose sur son site des vidéos complémentaires, et des animations multimédia sur sa version tablettes. En retour la version papier renvoie les lecteurs vers le site. Ainsi L’Express ou L’Actualité signalent dans leurs articles papier, le contenu complémentaire disponible sur le site (version intégrale des entrevues, articles complémentaires, vidéos, etc.). Ou,dans une intégration plus avancée présente du contenu qui a été développé sur le site.



Cela a un impact sur le métier du journaliste. Dans plusieurs médias le journaliste a la mission de créer du contenu pour les différents supports. Au delà de l’article il doit produire un document sonore ou vidéo. Il devient aussi preneur de son et caméraman,voire monteur. Cette évolution est une question qui suscite beaucoup de discussions parmi les journalistes qui regrettent que ces nouvelles tâches consomment beaucoup de temps et nuisent à l’approfondissement des sujets.


Virtuel.


Certains médias se sont récemment développés dans un format uniquement virtuel. Les sites d’information de ce type sont multiples : Slate.com (et ses déclinaisons locales),Mediapart, Rue 89, Le Post, etc.

Depuis peu, on voit apparaître des médias spécifiquement dédiés aux tablettes. Le mogulmondial des médias, Murdoch a ainsi créé le Daily avec un succès plus que mitigé (vendu uniquement par abonnement au coût de 99 cents par semaine), en embauchant une centaine de journalistes.



Quel support prévilégier?


Il n’y a évidemment pas de solution parfaite dans l’équilibre des supports de diffusion. Les choses sont en constante évolution. Plusieurs facteurs ont de l’influence :

  • L’évolution technologique :


Internet, les SMS, puis les téléphones intelligents, puis les tablettes, sont autant de nouvelles opportunités de toucher les lecteurs/ internautes. Si le papier n’est pas condamné, on constate cependant un détournement de la consommation média vers les supports numériques.

  • Les évolutions des attentes des lecteurs / internautes :


De plus en plus mobiles ,de plus en plus sensibles à l’image et à la vidéo, ils changent. Leur façon de consommer le contenu média aussi. Évidemment cette évolution n’est pas homogène. Le média doit s’adapter aux habitudes de consommation de ses clients et à leurs évolutions.

  • Le positionnement du média :


En fonction de la mission qu’il se donne, le médiava choisir tel ou tel support. Quand il retransmet du sport, par exemple, il est logique qu’il propose un service de suivi des scores par SMS. Quand le médiapropose des articles de réflexion thématiques, avec la volonté de s’abstraire dela course de l’actualité pour prendre de la perspective, il est assez logique d’êtreprésent sous un format papier.


L'exemple du Guardian


Le 16 juin, le Guardian, journal de qualité de la gauche anglaise, à annoncé une mutation de son modèle économique pour faire face à une baisse de 31% de ses ventes depuis mars 2006 et à des pertes financières importantes.



  • Les comportements des clients


Du lundi au vendredi la moitié des lecteurs du Guardian lisent le journal le soir. Le site du journal, leader au Royaume-Uni est la première source d’information toute la journée.

  • L’évolution technologique


Le Guardian va privilégier le site gratuit et les applications tablettes et téléphones mobiles payantes (L’application iPhone étant très rentable). La pagination de semaine sera réduite. L’édition du samedi et l’Observer, hebdomadaire qui sort le dimanche, seront maintenus à l’identique. L’objectif est de doubler les revenus du numérique d’ici 2016.

  • Le positionnement


Dans son évolution, le Guardian renforce son positionnement de journal de référence. Ainsi le journal papier en semaine sera uniquement consacré aux commentaires, à l’analyse et aux articles longs, délaissant l’actualité immédiate accessible sur Internet et sur applications.

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