Dans le toujours intéressant magazine “Management” (une mine d’exemples et de cas d’entreprises), un article bien documenté sur les Apple Stores. Le titre est un bon résumé de la situation : « Comment Apple transforme ses magasins en cash machines ».
Premier constat : les 284 magasins installés dans 10 pays ont un rôle clé dans la stratégie d’Apple puisqu’ils en représentent près de 20% du chiffre d’affaires.
Second constat : les résultats sont impressionnants. Dans ce métier le moteur économique classique pour reprendre l’expression de Collins dans son concept du hérisson est le chiffre d’affaires au mètre carré. Les Apple Stores attendraient 30 000 euros au mètre carré, soit deux à trois fois plus que ses concurrents spécialisés en électronique, pour une marge opérationnelle de 20%.
La stratégie de Apple est claire : tout axer sur l’expérience vécue par le client. Pour la clarté de la description, je vais distinguer trois axes dans cette stratégie.
Axe 1 : répondre à un univers de besoins
Ce que veut Apple c’est répondre à un univers large de besoins numériques des individus d’aujourd’hui. Ordinateur, téléphone, terminaux personnels de divertissement (iPod, iPad), magasin de vente en ligne de produits culturels (iTunes, iBooks, ApStore), la gamme crée un univers cohérent et interdépendant qui permet de fidéliser le client.
Cette stratégie n’est pas unique. Sony la poursuit depuis des années, mais s’est fait distancer. Deux concurrents sont plus craints par Apple : Microsoft et Google. La lutte s’annonce intense dans les années qui viennent.
Axe 2 : « Tendre une embuscade aux consommateurs »
L’expression est de Steve Jobs et la stratégie est tr`s claire : renforcer sur tous les points l’expérience vécue par les clients. Pour explorer ces différentes facettes, je m’appuierai sur l’équation de l’expérience client que nous avons développée chez Groupe Forest.
Expérience client = Simplicité + Personnalisation + Conseil + Temps de vie + Apprentissage + Sensation + Emotion + Appartenance sociale
Simplicité :
Le magasin ne s’adresse pas aux spécialistes ni de la marque (plus de la moitié des acheteurs de Mac dans les Apple stores sont de nouveaux clients), ni de l’informatique ou de l’électronique. La volonté de simplifier a donc guidé les choix. Pour les accessoires, seules deux ou trois références sont proposées. Et au terme du processus d’analyse des besoins, les vendeurs ont pour consigne de ne conseiller qu’un modèle.
Le service après-vente, gros problème dans l’électronique, est particulièrement soigné. Au Genius Bar des experts formés au siège social d’Apple à Cupertino, Californie, résolvent des problèmes techniques gratuitement ou expliquera les choix possibles et les frais pour des réparations plus lourdes.
Personnalisation :
L’attention portée à chaque client est personnalisée. Celui-ci ne doit pas se sentir écrasé par la marque, mais au contraire sentir que Apple est à son service. Ainsi il est possible de réserver en ligne une séance de démonstration individuelle avec un vendeur. Ceux-ci ont d’ailleurs l’obligation de consacrer tout le temps nécessaire pour accompagner chacun des clients et répondre à leurs questions.
Conseil :
Dans cet univers complexe, le besoin de conseil est déterminant. Moment que tout utilisateur moyen redoute : le discours précis, documenté, souvent convaincu mais incompréhensible du vendeur-expert technique qui nous laisse invariablement perplexe face à la grandeur de notre ignorance. Dans les Apple Store, l’approche est radicalement différente. Le vendeur cherche à comprendre les besoins en partant de l’usage qui sera fait de l’appareil, puis il procède à une démonstration sur un des appareils. Il conclut par une seule suggestion. Pour entretenir cette relation de proximité autour des besoins numériques du client, le vendeur lui laisse sa carte de vite personnelle, encourageant des contacts ultérieurs.
Temps de vie :
La consommation n’est pas un moment en dehors de la vie. Cela pose en particulier la question de l’accessibilité du magasin. En installant ses magasins dans les lieux prestigieux où les gens se promènent, Apple a cherché à créer le sentiment d’une marque au cœur de la vie (on y va en se promenant dans un quartier agréable) et non d’une marque en rupture de la vie (sur un parking sinistre en zone périphérique). Le Apple Store de New York pousse le concept à son extrême : 5ème avenue, ouverture 24 heures sur 24.
Apprentissage :
Le doute sur sa capacité à utiliser un outil technologique est un frein fréquent à l’achat. Au-delà du conseil approfondi lors de la vente, le programme One to One permet aux clients de continuer à se former. Cet abonnement proposé lors de l’achat donne accès à trois formats : le face-à-face en séance individuelle avec un formateur Apple, en petit groupe, les ateliers de 3 heures permettent d'apprendre un sujet précis (par exemple : montage de film ou mixage), enfin le portail de One to One permet d'accéder à des centaines de tutoriels, de gérer les rendez-vous à la boutique Apple Store et de découvrir des créations réalisées par d'autres membres.
La façon dont est présenté sur le site apple.com l’expert d’Apple qui encadre les séances, témoigne du fait que Apple se voit comme allant bien au-delà d’une simple relation technique avec ses clients : « un expert en tout ce qui concerne Apple vous offrira assistance, soutien et inspiration créative ».
Cette relation d’apprentissage est un facteur de fidélisation. Le slogan de One-To-One l’affirme : « Apple Store. Venez pour magasiner. Revenez-y pour apprendre ».
Sensation :
L’ambiance du lieu a un impact important sur la propension à acheter. Apple a investi massivement dans le design de ses magasins. Dans tous, le design, la disposition et l’éclairage sont particulièrement soignés. Les plus grands, les vaisseaux amiraux, sont de véritables monuments, des destinations touristiques, présentées comme des « cathédrales de verre ». Et il faut avouer que l’entrée du Apple Store new-yorkais a quelque chose qu’un magasin Darty ou Future Shop n’a pas ; quelque chose, je ne sais quoi.
Emotion :
Créer chez le client une émotion positive est un facteur clé de vente. Au cœur de l’émotion ressentie par le client se trouve la relation qu’il a avec le vendeur et en particulier l’empathie ressentie.
Dans leur article paru dans l’International Journal of Bank Marketing (25, 2, 102-116), « Prediction of attitude and behavioural intentions in retail banking », Baumann, Burton, Elliott et Kehr (2006), concrétisent le concept d’empathie à travers trois questions :
› L’employé de ma banque me porte une attention personnelle
› Ma banque comprend mes besoins spécifiques
› Ma banque à mes meilleurs intérêts à coeur
On a vu que le rôle du personnel de ces magasins tel qu’il est défini par Apple répond aux deux premières questions. Quant au troisième critère, il pose une question clé sur la motivation des vendeurs : pourquoi travaillent-ils ? Très concrètement cela se traduit pour des vendeurs par l’indicateur qui est pris en compte dans le calcul de la part variable du salaire. Le cas classique est d’aligner cette dernière sur le niveau des ventes. Dès lors l’objectif devient de faire du chiffre. Au contraire pour s’assurer que son personnel ne cherche pas la vente à tout prix, Apple ne verse pas de commission directe. La part variable est liée à plusieurs critères. La revue Management cite « aussi bien le nombre d’extensions de garantie AppleCare vendues que le l’accueil réservé aux clients, évalué par leurs managers ».
Appartenance sociale :
Apple entretient depuis toujours son image d’avant-garde. Les Apple Store la renforcent. Au-delà Apple cherche à développer la communauté autour de sa marque. Ainsi les abonnés au programme One-To-One peuvent avoir accès aux créations des autres. Une façon de recevoir du feed-back et de s’inspirer.
Le travail de Apple sur le renforcement de l’expérience client est systématique et profond. Cela nécessite évidemment un investissement financier important. Mais au delà il faut créer un contexte organisationnel favorable : processus de fonctionnement, culture, compétences, etc. Nous verrons cela dans une seconde partie.
Pour ceux que le concept d’expérience client intéresse, je suggère trois dossiers thématiques que j’ai écrits :
- Et si les services financiers avaient leur iPod ? Développer l’expérience client dans les services financiers.
- Développer l’expérience client. Pour relever le défi client dans les services professionnels.
- Développer l’expérience client. Pour relever le défi client dans la distribution.
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4 commentaires:
Salut !
Si le sujet vous intéresse, j'ai fait une étude de cas sur la stratégie de vente d'apple :)
Il est dispo: http://www.marketing-etudiant.fr/exposes/a/cas-apple.php
Dites moi ce que vous en pensez :)
bonjour ,
merci beaucoup pour tous ces renseignements , je constitue mon dossier pour mon projet de bac spécialité mercatique , toutes les informations sont donc très utiles pour moi puisque j ai choisie de porter mon projet sur apple .
Merci beaucoup =)
Awesome article!
This was lovely too read
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