samedi 27 mars 2010

Le mythe de la restructuration joyeuse

Dans la première livraison du magasine Premium, la traduction d’un article de Newsweek qui fait la synthèse de plusieurs études sur les impacts négatifs des stratégies de restructuration : « Le coup de balai qui tue » par Jeffrey Pfeffer. Des éléments qui vont dans le sens des réflexions de la note précédente.

Il est bien évidence que certaines entreprises n’ont pas le choix de restructurer, leur marché évolue à long terme (c’est le cas par exemple dans l’industrie de la presse). En revanche l’article nous donne des arguments supplémentaires pour nous méfier des stratégies de restructuration (avec réduction des postes) dans le cas d’entreprises qui s’ajustent à une baisse temporaire de la demande.

La cascade des coûts

Wayne Cascio, professeur à l’université du Colorado, recense dans son livre « Responsible restructuring » fait la liste des coûts directs et indirects des mises à pied :

- outre les frais directs (indemnités de départ ou de mise à la retraite anticipée),

- des frais indirects (hausse des primes d’assurance emploi, frais de replacement du personnel, plan social, coûts de poursuites légales, etc.),

- des coûts différés (coûts de réembauche),
En outre selon un sondage de l’American Management Association (AMA), à peu près un tiers des sociétés qui avaient procédé à des licenciements donnaient des contrats de sous-traitance à certains d’entre eux dans la mesure où ils possédaient des compétences dont l’entreprise avait besoin.

- des coûts de dépréciation d’actif (démotivation et peur du risque chez ceux qui restent, érosion de la mémoire d’entreprise, méfiance vis-à-vis de la direction). Ainsi le sondage de l’AMA, une baisse d’enthousiasme était constaté dans 88% des entreprises ayant procédé à des mises à pied. Le DRH de Southwest, la seule compagnie aérienne états-uniennes qui n’a pas licencié pendant la crise aérienne suivant les attentats du 11 sept. et qui est depuis devenu la compagnie la plus performante aux Etats-Unis résume bien la situation : « Si vos employés sont votre actif le plus précieux, pourquoi vous en débarrasser ? ».

Trois mythes

Cascio identifie aussi trois mythes (les arguments donnés dans l’article sont assez peu convaincants, les arguments du livre doivent être plus musclés) :
1. Les sociétés qui annoncent des mises à pied ont une valeur boursière supérieure à celle de leurs concurrents.
2. Les mises à pied améliorent la productivité d’une entreprise.
3. Les mises à pied accroissent la rentabilité.

Des impacts sociétaux

L’article s’intéresse aussi aux dimensions sociétales. Il signale un lien direct entre la perte d’emploi et l’augmentation des cas de dépression. L’article insiste sur une dimension généralement moins commentée : le sentiment d’injustice et de colère qui se transforme en violence. Il n’est qu’à constater les comportements qui se répandent dans les luttes sociales en France pour s’en convaincre : multiplication de la séquestration des dirigeants, menaces de faire exploser les usines, etc. L’article cite une recherche non identifiée démontrant qu’il y a un risque six fois plus grand pour les personnes licenciées (n’ayant jamais manifesté de comportement agressif) d’avoir des gestes violents comparativement à celles qui conservent leur emploi.

Une recherche néo-zélandaise démontre que les tentatives de suicide sont 2,5 fois plus nombreuses parmi les personnes sans emploi. Une étude de suivi durant huit ans des anciens employés de deux usines agro-alimentaires a montré que les cas d’automutilation ou d’hospitalisation liés à des problèmes mentaux étaient significativement plus élevés chez les inactifs que chez les personnes ayant retrouvé un emploi.

Une remarque cependant. Nous savons déjà que le chômage est destructeur. Il serait donc utile de comparer le devenir des personnes récemment licenciées avec la moyenne des chômeurs pour mesurer les effets spécifiques des mises à pied.

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